LA Négociation
Notre journée n’est-elle pas ponctuée d’innombrables négociations?


Le réveil sonne, je me lève ou j’attends encore un peu ? Qui va faire les achats ? Toutes les micros-négociations par le seul regard pour traverser un passage piéton bondé sans se bousculer ? Et puis ce Week-End inviter des proches à manger ou pas ? Quels plats ferons-nous ? Vous arrivez au bureau et il y a ce job urgent, est-ce à vous de le faire ou à votre collègue ? C’est urgent vraiment ? Puis il y a cette présentation à préparer dans 2 jours, il va falloir convaincre votre chef, vos collègues ou un client de mettre en place un nouveau projet. Et si la négociation se définissait par un aller-retour en communication où l’on essaie de s’entendre avec notre interlocuteur ? Notre journée n’est-elle pas ponctuée d’innombrables négociations.
Faites un retour sur les dix dernières années, réfléchissez à la manière de travailler, est-ce que vous avez l’impression de négocier davantage qu’il y a dix ans, ou alors cela n’a pas changé ou alors vous avez constaté moins de négociation ? En général nous constatons tous plutôt une augmentation du nombre de négociations. Il faut dire que l’accès facilité à l’information, la facilité de communiquer et d’échanger via mail, le développement de l’esprit critique dans nos écoles et le besoin croissant des nouvelles générations de comprendre le pourquoi, de donner du sens tout autant de raisons qui nous entrainent plus facilement dans une négociation.
Si vous deviez estimer combien de temps vous consacrer à la communication à des fins de négociation avec vos enfants, vos collègues, vos patrons, vos collaborateurs, vos clients, vos fournisseurs etc… combien de temps journalier y consacrez-vous ? Et maintenant réfléchissons à combien de temps nous avons passé à comprendre et développer cette compétence ? Vous voyez ou je veux en venir. Pour combler ces lacunes, je vous propose 5 clés qui vous permettront de préparer vos négociations plus sereinement et 6 principes pour développer votre posture et vos compétences relationnelles de négociateur.
#1 Préparation, jeux de rôles
Avant toute négociation, efforcez-vous de déterminer qui est la personne que vous allez rencontrer et quel est son profil. Se préparer et s’exercer en amont vous permettra d’élaborer vos stratégies de négociation.
Utilisez les jeux de rôle pour définir vos actions, et étudiez d’éventuelles problématiques et stratégies.
Organisez un jeu de rôle avec une personne qui partage des caractéristiques communes avec le négociateur de la partie adverse. Si vous négociez en équipe, tenez-en compte lorsque vous pratiquez les jeux de rôle. Cette démarche vous aidera vous et votre équipe à vous exercer à aborder les négociations, à prendre du recul ou à les accélérer lorsque vous vous trouverez face à un interlocuteur coriace.
#2 Conciliez les intérêts, pas les positions. Travaillez sur les options
Tout d’abord tenez compte des intérêts de tous pour éviter que chacun ne campe sur ses positions. Focalisez votre attention sur les intérêts et non sur les positions. Veillez à satisfaire les intérêts qui ont conduit chaque partie à adopter sa position. Pour faire ressortir l’intérêt, cherchez à comprendre ce qui se cache derrière la position que votre interlocuteur vous communique (Pourquoi ? En quoi “votre position” est important pour vous, pour votre société aujourd’hui ?).
Le fait de devoir prendre des décisions en présence de votre adversaire limite votre capacité de discernement. Si l’enjeu est considérable pour vous, ou si vous passez votre temps à chercher la solution parfaite, vous risquez d’inhiber votre créativité. Pour éviter cet écueil, fixez-vous un délai pour définir les solutions et options possibles qui servent les intérêts communs et étudiez les différences de manière créative. Avant la négociation, n’hésitez pas à préparer les contreparties sur lesquelles vous êtes prêt à discuter. Durant la négociation, de nouvelles informations vont probablement apparaître. Si nécessaire n’hésitez pas à demander une pause pour retravailler les options ou voir même conclure la séance pour fixer un nouveau rendez-vous dans quelques jours, si il s’agit de négociation complexes.
#3 Savoir gérer les objections
« Se mettre en colère : c’est facile. Mais se mettre en colère avec la bonne personne, au bon moment, pour la bonne raison et de la bonne manière, ça, c’est difficile. » Aristote.
Combien de fois avez-vous fait face à des objections sans pouvoir les contrer ? Si vous voulez savoir comment faire pour atténuer, voir renverser une objection, ce chapitre est pour vous. Vous voulez vendre un objet ou simplement faire passer un argument, mais vous vous heurtez à des objections, « c’est trop cher », « je ne pense pas que ce soit utile ». Tout d’abord, prenez un peu de recul. Un client qui émet une objection est une personne, un acheteur qui fait preuve d’intérêt pour votre produit.
Laissez votre interlocuteur s’exprimer librement tout en l’écoutant attentivement. On ne veut pas rentrer dans un rapport de forces donc évitons de mettre des émotions négatives que ce soit par une argumentation critique ou un comportement qui pourrait être perçu comme agressif.
- Écoutez et identifiez la nature de l’objection : s’agit-il d’un « rapport de force », d’un état de fait bien réel, d’un « test », ou avez-vous affaire à une objection sous-jacente ?
- Validez, ou reformulez pour valider et clarifier l’objection :
Un acquiescement ou un « je vous ai bien compris » peut-être rassurant pour votre interlocuteur. Vous lui amenez une garantie que vous avez bien écouté sa doléance. Si nous prenons une des objections qui revient le plus souvent telles que « vous êtes trop cher » vous pouvez valider le fait d’avoir bien écouté en répondant « je vous ai bien compris, bénéficier de bonnes conditions d’achat et d’un prix bas est important pour vous » puis d’enchaîner sur une question de clarification telle que par exemple : dites-mois pour être bien sûr, c’est le prix avant tout qui vous importe ou attachez-vous plus d’importance au rapport qualité-prix ? L’objectif de la reformulation et du questionnement est de valider puis de comprendre la vraie raison à la base de l’objection. Dans le cas du prix : Le client dispose d’un budget serré, il s’est déjà décidé pour un autre produit, il aimerait négocier un rabais supplémentaire, la valeur perçue n’est pas alignée avec la valeur réelle du produit. - Qualifiez l’objection en identifiant si celle-ci est légitime (votre produit ne répond pas au besoin du client) ou non (votre produit peut répondre au besoin de votre client). Dans le deuxième cas de figure, il vous suffira d’argumenter en présentant une caractéristique objective et vérifiable de votre produit, puis de présenter l’avantage personnalisé pour lever l’objection.
- Amenez une preuve, un fait et expliquez ce que vous déduisez : la plupart du temps lorsque des personnes font face à une objection elles disent immédiatement ce qu’elles pensent puis démontrent. Mais à l’heure de la démonstration, l’écoute n’est plus là. Votre interlocuteur ne vous écoute plus. Imaginez le dialogue suivant :
- A : Votre proposition ne correspond pas à une réalité de marché.
- B : Nous vous avons fait une proposition très raisonnable, nous avons additionné les coûts de tous les composants et puis nous avons fait une remise de 5 % ce qui est 2 % de plus de ce qui recommandé par le fabricant.
Pour que votre interlocuteur reste en écoute, commencer par une reformulation ou une validation. Imaginez la seconde version :
- A : Votre proposition ne correspond pas à une réalité de marché.
- B : (validez et reformulez) Je vous ai bien compris, pour vous c’est important que notre offre corresponde à une réalité du marché. (Qualifiez et amenez une preuve) Pour la construction de notre proposition nous avons repris le prix catalogue du fabricant puis nous avons ajouté un rabais de 2 % supplémentaire aux recommandations du fabricant. (expliquez ce que vous en déduisez). C’est ce qui m’amène à penser que notre proposition est une bonne proposition.
Il n’est pas dit que votre interlocuteur adhère totalement à votre seconde proposition. Vous éviterez cependant le risque d’une escalade et diminuerez la partie émotionnelle. Ce qui peut dans certains cas être déterminant pour faire avancer la négociation sur la prochaine étape.
Vous voulez entraîner votre capacité à répondre aux objections en peu de temps, je vous propose de bloquer 30’ pour noter les 10 objections les plus entendues, celles qui reviennent le plus souvent, par exemple : le projet n’est pas assez élaboré, c’est trop cher, nous n’avons pas le temps, est-ce vraiment nécessaire, je n’en vois pas l’utilité.
Si c’est une question de prix, vous pouvez également utiliser une des 4 techniques suivantes :
- L’addition : mentionnez l’un après l’autre les avantages dont bénéficiera votre client en achetant votre produit ou service.
- La soustraction : déduisez certains avantages pour atteindre le niveau de prix escompté par le client.
- La multiplication : « multipliez artificiellement la valeur du produit par le nombre d’utilisations ou par des unités de temps. »
La division : cette technique implique de diviser le prix du produit par le nombre d’utilisations.


#4 Votre meilleure solution de rechange [1]
Si vous recherchez un outil, une méthode pour arriver avec plus de confiance et moins de stress en négociation, déterminer votre meilleure solution de rechange vous permettra d’arriver avec une posture idéale en négociation.
Si l’on n’arrive pas à parvenir à un accord avec un client et bien il y aura toujours un autre client ou un autre. Imaginons que vous soyez en quête d’emploi et que vous n’ayez qu’une seule opportunité d’emploi, lorsque vous allez commencer à parler de salaire, vous n’aurez que très peu d’options, vous serez est disposé à tout accepter. Mais imaginons que vous preniez un peu de temps à pour réfléchir à votre meilleure solution de rechange : « Que pourrais-je faire si je n’obtiens pas cet emploi ? Peut-être pourrais-je retourner aux études ou avoir une meilleure opportunité d’emploi ? » Avec une alternative vous pourrez négocier avec davantage de confiance.
La tendance est forte lors de déterminer un « seuil non négociable ». Cette stratégie peut avoir un coût élevé. Elle est en général trop stricte et ne permet pas de faire preuve de créativité. Roger Fisher et William Ury nous encourage plutôt d’identifier la « Meilleure Solution de Rechange » (MESORE). Répondez à la question suivante : « Que se passe-t-il si les négociations échouent ? ». Puis effectuer ces 3 actions :
- Dressez, tout d’abord, une liste d’actions à prendre en cas d’échec de l’accord.
- Développez une liste d’idées présentant le potentiel le plus élevé et transformez-les en alternatives pratiques.
- Enfin, sélectionnez la meilleure alternative qui constituera votre MESORE.
Il est plus facile d’améliorer les termes d’un accord négocié à l’aide d’une MESORE efficace. Le fait de savoir où vous allez, vous donnera suffisamment d’assurance pour rompre les négociations. La volonté de les rompre vous permet de défendre plus farouchement vos intérêts.
- Réflexion sur la MESORE de l’autre partie
Étudiez la MESORE de l’autre partie pour mieux vous préparer aux négociations. Le fait de connaître ses alternatives vous permet d’évaluer ce à quoi vous pouvez vous attendre au cours des négociations. Si sa MESORE est efficace, réfléchissez à ce que vous pouvez faire pour la modifier. Lorsque les deux parties présentent des MESORE intéressantes, il peut être préférable de ne pas conclure d’accord. Dans ce cas-là, une négociation efficace peut vous amener à décider amicalement et efficacement à chercher ailleurs.
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Jujitsu de la négociation
Si l’approche utilisant une MESORE échoue, vous pouvez adopter une stratégie qui tienne compte des possibilités d’action de l’autre partie. Il faut alors contrer les mouvements de base de la négociation positionnelle pour reporter l’attention sur le bien-fondé de l’accord. Ce processus est appelé « jujitsu de la négociation ». Lorsque vous jouez le jeu de la négociation positionnelle, le fait de défendre votre position vous dessert et le fait d’attaquer la position adverse braque l’autre partie. Les gens perdent beaucoup de temps et d’énergie à alterner des phases stériles d’attaque et de défense. Que faire si la stratégie d’attaque ne fonctionne pas ? N’insistez pas. Lorsqu’ils attaquent, ne vous défendez pas. Brisez le cycle en refusant de réagir. En pratique, le jujitsu de la négociation permet de contrer trois offensives typiques : 1) L’affirmation énergique de la position adverse, 2) l’attaque contre vos idées et 3) l’attaque personnelle.[1] Roger Fisher et William Ury, Comment réussir une négociation, Paris, Seuil, 1991, 2e éd. augmentée
#5 Les techniques de négociation lors de négociation complexe
a) Une tierce partie peut être appelée pour servir de médiateur : Êtes-vous la bonne personne ou avez-vous besoin d’un médiateur.
Les négociateurs sont avant tout des hommes. L’intérêt du négociateur est double : le différend ET la relation avec l’adversaire. Lorsque toutes les manœuvres précédentes échouent, une tierce partie peut être appelée en dernier recours. Les médiateurs peuvent permettre aux participants de prendre plus facilement du recul par rapport au problème et d’orienter la discussion vers leurs intérêts et leurs options. Ils peuvent souvent suggérer une base impartiale pour prendre les décisions et réduire le nombre de décisions nécessaires pour parvenir à un accord.
b) La méthode du texte unique [2]
La « procédure du texte unique » est conçue pour permettre aux médiateurs d’atteindre ces objectifs. Tout d’abord, le médiateur demande aux participants pour quelles raisons ils souhaitent obtenir quelque chose et non ce qu’ils souhaitent obtenir. Il réaffirme ensuite qu’il n’exige d’aucune partie qu’elle abandonne sa position et qu’il n’est là que pour identifier la possibilité d’émettre des recommandations. En bref les médiateurs utilisent les informations pour dresser une liste des intérêts et des besoins. Ils demandent ensuite à chacun de commenter la liste et de l’améliorer. Il est plus facile de critiquer que de faire des concessions. Les médiateurs utilisent la critique pour créer une ébauche d’accord. Ils reconnaissent que l’accord comporte de nombreuses failles, mais ils souhaitent obtenir la participation de chaque partie afin de l’améliorer. Cette participation sert à créer une seconde ébauche, certes incomplète, mais meilleure que la première. Et ainsi de suite, jusqu’à obtenir une troisième, une quatrième voire une cinquième ébauche. Les médiateurs continuent jusqu’à ce qu’ils estiment ne plus pouvoir améliorer l’ébauche. À ce stade, ils présentent le plan à chaque partie, qui n’a plus qu’une décision à prendre : oui ou non. La procédure du texte unique change les règles du jeu et simplifie le processus de création d’options et de prise de décision. Elle est incontournable dans toute négociation multilatérale majeure.
[2] « Essai sur l’alternative en négociation », J. Leo Goovaerts
#1 Utilisez votre intelligence émotionnelle
Bien identifier les points sur lesquels nous avons éveillé un intérêt commun et ceux sur lesquels il convient de travailler plus à fond nécessite de bien observer et comprendre notre interlocuteur. Et cela passe tout d’abord par bien se comprendre soi-même. Un coup de poker, du bluff, une mauvaise intention, des émotions exacerbées, des interlocuteurs difficiles à suivre, les émotions non comprises nous font parfois avancer dans la mauvaise direction. Lorsque nous allons au cinéma regarder un film, nous passons par tout plein d’émotions que les acteurs nous transmettent. Cette capacité de ressentir ce qui se passe de l’autre côté de la toile est un élément essentiel qui a contribué à notre développement. Il est bien ancré. Lorsque nous avons la capacité de discerner et de nommer au moment précis l’émotion qui nous traverse. Il nous est possible de réagir. Imaginez, vous êtes en pleine négociation, vous vous sentez bouillonner, vous remarquez que le débit de votre parole est rapide et que le ton de votre voix est monté d’un cran, peut-être même, remarquez-vous que votre respiration est rapide. Les personnes qui ont entraîné leur intelligence émotionnelle ont développé la capacité de s’en rendre compte en direct, et non pas lorsqu’il est trop tard.
En direct lorsque, vous avez assez de ressources, et que vous ne vous laissez pas emportez par l’émotion, vous vous posez alors la question de : « qu’est-ce qui se passe » et « pourquoi tout d’un coup cette colère et cet énervement ? ». Cela vous permet dans un second temps de vous demander quelle réaction est adaptée par rapport à ce ressenti et le contexte actuel. Parfois le fait même de nommer et de reconnaître l’émotion qui nous anime, agit comme une vanne de sécurité et nous amène plus de sérénité et d’option pour la négociation.
Parfois on constate même que comme au cinéma, l’émotion ressentie se trouve en fait de l’autre côté de la table. C’est une information importante, vous avez de nouvelles options qui s’ouvrent à vous. Vous pouvez, si la situation le permet, proposer de faire un break. Il est aussi possible de simplement faire le constat « je m’aperçois que cette proposition amène une réaction pleine d’énergie, comment pourrions-nous avancer sereinement ? « ou alors « je m’aperçois que notre discussion amène finalement beaucoup plus de colère « Dites-moi pour que je puisse comprendre, quels sont les éléments qui sont bloquants ». La gestion des émotions et du relationnel est importante lors de négociation, c’est pour cela que je vous propose un article plus détaillé ultérieurement sur ce sujet.


#2 Le priming et l’environnement
Lors de la préparation, si vous en avez la possiblité réfléchissez à comment aménager la pièce pour favoriser la négociation. Ou serez-vous assis ou sera assis la personne avec qui vous allez négocier. Comment favoriser le dialogue ?
Préparez-vous en connaissant vos motivations, vos forces, vos faiblesses et votre humeur du moment. Cela est d’autant plus facile que vous en savez plus sur eux. Répondez à ces questions d’amorçage :
- Quels sont les éléments déclencheurs qui irriteront ou calmeront votre adversaire
- Comment pouvez-vous utiliser le langage corporel pour accentuer ou adoucir vos paroles
- Comment pouvez-vous utiliser la pression pour faire descendre ou remonter votre négociateur ?
Quelle image allez-vous projeter ? Pensez à votre interlocuteur, quel style, quelle posture adopter « gentil », « dur », « orienté solution », « pragmatique », « personne de principe » ?
Le priming [1]: Nous fonctionnons avec des schémas de pensées et notre cerveau fait des connexions sans que nous en ayons totalement conscience. Vous connaissez probablement la devinette avec la suite de question suivante : de quelle couleur est la neige ? – Blanche. De quelle couleur sont les nuages ? De quelle couleur est le mur de la maison d’en face ? – Blanc ! Si vous demandez maintenant : « Que boit la vache ? », la plupart des gens répondent : du lait ! L’amorçage de la demande active le schéma « blanc », et à partir de ce schéma, notre cerveau fournit un liquide blanc même si nous devrions en fait répondre « eau ». Le Priming prend des souvenirs implicites (souvent issus de l’inconscient) ou d’associations et les utilise pour influencer la réponse à autre chose (éventuellement même sans rapport avec le souvenir). Le priming est donc un excellent moyen de nous mettre ou de mettre les autres dans un certain état d’esprit. Des études ont montré que les personnes testées se comportent en fait de manière plus coopérative dans un jeu si elles ont été amorcées au préalable par des mots comme « prévenant » ou « juste ». Si vous devez avoir une conversation importante avec votre patron, faites l’éloge d’une personne complètement différente, comme par hasard, et amorcez votre patron de cette manière avec autant de termes positifs que possible. Elle sera automatiquement plus positive à votre égard par la suite.
[1] Kitz, Volker ; Tusch, Manuel. Psycho ? Logique! : des idées utiles de la psychologie quotidienne (édition allemande) (pp.33-34). Heyne Verlag. Version Kindle.
#3 Trouver les similitudes pour mieux se comprendre
Nous aimons les personnes qui nous ressemblent. L’habillement en est un bon exemple. Plusieurs études ont démontré que nous sommes plus enclins à aider ceux qui s’habillent comme nous. Au début des années 1970, à une époque où les jeunes avaient tendance à s’habiller de façon « hippie » ou « hétéro », des expérimentateurs ont revêtu une tenue hippie ou hétéro et ont demandé à des étudiants sur le campus de leur donner 10 cents pour passer un appel téléphonique. Lorsque l’expérimentateur était habillé de la même façon que l’étudiant, la demande a été acceptée dans plus de deux tiers des cas ; mais lorsque l’étudiant et le demandeur étaient habillés de façon différente, la pièce de dix cents a été fournie moins de la moitié du temps.
Les vendeurs de voitures, par exemple, sont formés à rechercher des preuves de ce genre lorsqu’ils examinent le véhicule d’échange du client. S’il y a du matériel de camping dans le coffre, le vendeur peut mentionner, plus tard, qu’il aime s’éloigner de la ville dès qu’il le peut ; s’il y a des balles de golf sur la banquette arrière, il peut faire remarquer qu’il espère que la pluie va cesser jusqu’à ce qu’il puisse jouer les dix-huit trous qu’il a prévus plus tard dans la journée ; aussi insignifiantes que ces similitudes puissent paraître, elles semblent fonctionner. Un chercheur qui a examiné les dossiers de vente des compagnies d’assurance a constaté que les clients étaient plus susceptibles d’acheter une assurance lorsque le vendeur leur ressemblait sur des points tels que l’âge, la religion, la politique et les habitudes de consommation de cigarettes.
Il est plus facile de travailler avec des personnes qui ont les mêmes centres d’intérêt. Pour faciliter la négociation, il peut être intéressant de relever les mêmes intérêts, rien de nouveau. Ce sera facilitant pour vous, mais également pour votre interlocuteur si vous vous apercevez que vous êtes fan du même club de sport, que vous suivez les mêmes séries ou que vous partagez le même hobby.
#4 L’effet miroir
Votre interlocuteur vous parle avec énergie et utilise des mots spécifiques. Synchronisez-vous avec lui, reprenez la même énergie, utilisez les mots clés qu’il utilise. Le fait de reprendre certains mots-clés démontre une certaine qualité d’écoute. Le fait de s’obliger à repérer des formulations importante pour notre interlocuteur, nous force à l’écouter.
De nombreux programmes de formation à la vente incitent également à « refléter et à s’adapter » à la posture corporelle, à l’humeur et au style verbal du client, car il a été démontré que des similitudes dans chacune de ces dimensions entraînent des résultats positifs[1]. Utilisé éthiquement ils ont surtout pour effet de mieux comprendre ce que vit la partie en face de nous et ainsi de mieux déterminer quels sont les besoins. Cette capacité de comprendre ce que la personne vit en face de nous vient de nos neurones miroirs, sans aller trop dans les détails, il s’agit de cette faculté qui nous permet d’apprendre sans mots en regardant les autres et en refaisant les mêmes geste. La synchronisation corporelle en reprenant certaines attitudes ou posture peut vous permettre de mieux comprendre ce que vit en ce moment votre interlocuteur, mais attention à ne pas lui donner l’impression que vous la caricaturez.
Nous sommes naturellement équipés pour comprendre ce que la personne en face ressent. Mais si nous sommes fermés, bras croisé et regard distant face à un interlocuteur qui montrerait plus d’ouverture, nous serons dans l’incapacité de profiter de la capacité de nos neurones miroirs qui elles nous servent à déchiffrer les intentions et les émotions d’autrui.
[1] Les données sur les ventes d’assurance ont été rapportées par Evans (1963). La preuve de l’existence d’un miroir et d’un appariement provient des travaux de LaFrance (1985), Locke et Horowitz (1990), et Woodside et Davenport (1974). D’autres travaux suggèrent encore une autre raison de faire preuve de prudence lorsqu’on a affaire à des demandeurs similaires : Nous sous-estimons généralement le degré auquel la similarité affecte notre goût pour une autre personne (Gonzales et al., 1983).
#5 Observer la gestuelle de votre interlocuteur
La gestuelle fournit des informations précieuses sur leurs pensées et émotions sur le moment. Regardez les yeux, les narines et les lèvres. Les narines dilatées sont un signe d’agressivité. Un regard direct indique que la personne accorde de l’attention à vos paroles. S’il est dirigé vers le haut à gauche, il se peut que la personne pense à votre comportement passé. S’il est dirigé vers la droite, cela veut dire qu’elle planifie sa prochaine action. L’épiderme peut également fournir des informations : en rougissant, votre interlocuteur montre qu’il réagit à ce que vous avez dit. Ce peut être de bon augure ou, au contraire, faire office d’avertissement. Déglutir peut révéler de la nervosité. Si votre interlocuteur se masse la nuque, cela signifie que vous le fatiguez. S’il se frotte les yeux, qu’il ne veut pas voir ce qui se passe, et s’il se touche l’oreille, qu’il ne veut pas écouter ce que vous dites. S’il se caresse le menton, il est en train de réfléchir, et s’il se touche le cœur, il montre sa sincérité. Globalement, tous ces mouvements et expressions racontent une histoire. La posture des individus transmet également des informations. Si votre interlocuteur se rapproche de vous, pensez à réduire davantage la distance qui vous sépare. Vous faites ainsi clairement comprendre que vous êtes prêt à leur tenir tête.
Si votre interlocuteur est dynamique « se penche en avant », vous pouvez l’imiter. S’il tape sur la table, faites-en de même. Copier les actions, les paroles, l’intonation et la posture de votre interlocuteur, vous permettra – si l’émotion ou la colère montent – de faire effet miroir, mais aussi de bien intégrer ce qui se passe de l’autre côté de la table. Vous pouvez également utiliser l’effet miroir pour modifier la tournure de la réunion. Appropriez-vous le langage de votre interlocuteur et assurez-vous que les mots que vous utiliserez aient du poids.
#6 Faire face à une négociation difficile ? [4]
Vous avez un rendez-vous avec un interlocuteur expérimenté ou un client intimidant, ci-dessous quelques points que vous pouvez peaufiner avant votre rencontre :
- Travaillez votre comportement : Moduler votre voix et parler lentement peut « calmer » un harceleur. Même si vous vous trouvez nez à nez, il est possible de désamorcer le conflit en disant calmement : « Écoutez, il est inutile d’envenimer la situation. » Votre interlocuteur devrait normalement reculer et acquiescer. Votre posture peut également modifier la manière dont vous perçoit votre harceleur. Tenez-vous toujours bien droit et « tête haute ». Gardez les pieds fermement ancrés au sol, pour montrer votre maîtrise et votre force de caractère. Veillez toutefois à ce que votre posture ne contrarie pas votre interlocuteur, sauf si elle revêt un intérêt stratégique. Après avoir déployé votre stratégie, notez la réaction de votre interlocuteur. Que le comportement dégénère ou qu’il devienne au contraire plus passif vous fournira des informations précieuses à utiliser lors de prochaines interactions.
- Distraire ou détourner l’attention : La tension est palpable et vous désirez revenir à de nouvelles bases. Détourner l’attention, comme vous le feriez avec un jeune enfant. Faites une pause ou modifiez « l’environnement » en organisant la réunion à l’extérieur. Lorsque c’est votre interlocuteur qui emploie la diversion, n’hésitez pas à recentrer le débat. Vous pouvez reformulez puis simplement ajouter : « pourriez-vous me dire le lien avec le sujet principal » ou simplement « ce que je vous propose, c’est que nous terminions le point précédent avant d’aborder ce nouveau thème.
- Comprendre le comportement de l’intimidateur : les intimidateurs purs et durs cherchent à sauver la face, et demandent de la reconnaissance et du respect. Ils veulent être « compris ». Leur comportement pouvant dégénérer plus rapidement, prenez le temps d’étudier à quoi ressemble « l’attitude normale de votre interlocuteur », afin de disposer d’un cadre de référence lorsque les négociations débuteront. Ces observations sont essentielles, car pour s’intégrer à ce groupe, votre interlocuteur doit défendre le système de valeurs de celui-ci. Sans l’accord du groupe, pas de place pour l’intimidation. Accordez-lui le respect auquel il s’attend tout en lui précisant qu’il ou elle ne parviendra pas à vous intimider. Si on menace de vous détruire, vous et votre entreprise, défiez-le en vous penchant en avant et en lui rétorquant : « Faites-le ! » L’autre alternative serait de répondre : « Wow, cela me paraît exagéré. Pourquoi choisissez-vous cette attitude ? » Les deux réponses sont valables, en fonction de vos objectifs, et montrent toutes deux que vous avez écouté et fait preuve de respect envers cette personne.
- Posez des questions ouvertes, soigneusement formulées pour faire face à une éventuelle tentative d’intimidation. Vous pouvez par exemple dire : « Quelque chose a changé. Vous semblez un peu plus agressif. Que se passe-t-il ? » Reconnaissez que l’ambiance a changé et utilisez des mots spécifiques pour obtenir une réponse réfléchie. Continuez de manière stratégique avec ce style de conversation. Si le négociateur de la partie adverse explique qu’il n’a pas l’intention de faire preuve d’agressivité, cela vous donne une indication sur la manière d’orienter les négociations.
- L’attaque contre vos idées : si une intervention est ressentie comme une attaque, c’est probablement que l’on met le doigt sur un élément essentiel de la négociation. Ce n’est pas le moment de se fermer. Lorsque nos idées sont attaquées, nous avons tendance à les défendre. Et pourtant c’est l’occasion d’en apprendre plus. Acceptez ou en tout cas validez, puis faites preuve de curiosité, questionnez et profitez de l’occasion pour rechercher les intérêts sous-jacents de la partie adverse. C’est une occasion unique d’améliorer votre idée du point de vue de votre interlocuteur. Demandez-lui ce qu’elle ferait si elle était à votre place. Cette démarche lui permet de se confronter à votre partie du problème et de proposer une solution qui réponde à vos attentes.
Pour terminer ce chapitre, la capacité de gérer ses émotions et les émotions de votre interlocuteur est un atout non négligeable, vous trouverez d’autres informations dans cet article.
[4] Négociating with a bully, Greg Williams, Career Press, 2018
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